Benoît Biteau, paysan agronome

Benoît Biteau, paysan agronome

Portrait de Benoît Biteau par le journal européen Politico


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Récemment le journal européen Politico a dressé mon portrait, vous trouverez ici la version française, bonne lecture ! �
Le Français, Benoît Biteau (Verts/ALE), estime que l'Union européenne doit agir urgemment pour atteindre ses objectifs climatiques dans un contexte de crise alimentaire mondiale.
LE GUA, France - Benoît Biteau, un député européen vert français, pense avoir la réponse à la crise alimentaire mondiale. Et elle n'implique pas le démantèlement du Green Deal européen.
Benoît Biteau, 55 ans, a critiqué les responsables de la politique alimentaire pour leur réponse à la guerre de la Russie en Ukraine, qui a exacerbé l'une des pires crises alimentaires mondiales depuis des décennies.
L'UE s'est empressée de suspendre les règles environnementales visant à laisser de l'espace à la nature dans les exploitations agricoles afin que les agriculteurs puissent continuer à produire de l’aliment pour animaux afin de compenser le maïs bloqué en Ukraine. "C'est à peu près la réponse exactement opposée à celle que nous devrions adopter", a déclaré M. Biteau à POLITICO.
M. Biteau, qui effectue son premier mandat au Parlement européen, porte une boucle d'oreille, un catogan et une grande moustache. Il s'est imposé comme une alternative tonitruante et de plus en plus convaincante face à l'orthodoxie agricole de Bruxelles. Il prône l'agriculture biologique et revendique la nécessité de sortir urgemment de la dépendance à l'égard des produits chimiques et des politiques alimentaires axées sur la productivité.
Alors que la guerre en Ukraine a provoqué des ondes de choc qui menacent de faire basculer des millions de personnes dans la famine, l'UE s'est mise en quête d'une plus grande souveraineté alimentaire.
Les flux de céréales ukrainiennes ont été bloqués par l'invasion russe, le gaz naturel russe, abondant et bon marché qui est utilisé pour fabriquer des engrais azotés, est, lui aussi, devenu plus rare et plus cher. Par conséquent, les prix des denrées alimentaires sont plus élevés pour les consommateurs de l'UE, tandis que de nombreux pays dans le monde ont des difficultés à importer.
La situation a conforté les détracteurs du Pacte vert 2030 de l'Union européenne qui affirment que ce n'est pas le moment de faire des bonds environnementaux qui pourraient réduire les rendements agricoles. Le gouvernement français remet désormais ouvertement en question la stratégie "de la ferme à la fourchette" de l'Union européenne, qui prévoit de réduire l'utilisation de pesticides et d'engrais et de promouvoir massivement l'agriculture biologique.
En mai, Erik Fyrwald, PDG du géant des semences et des produits agrochimiques Syngenta, a déclaré que l'impact de la guerre en Russie sur la faim dans le monde signifiait que l'UE devait repenser son plan de développement de l'agriculture biologique. Selon lui, celle-ci produit des rendements inférieurs à ceux de l'agriculture conventionnelle qui utilise des engrais et des pesticides de synthèse.
"On importe de la nourriture d’Afrique parce que nous voulons des produits biologiques et que nos gouvernements soutiennent l'agriculture biologique", a-t-il déclaré à la Neue Zürcher Zeitung, un journal suisse.
C'est de la foutaise, selon M. Biteau. L'eurodéputé déclare que l'agriculture biologique donne de bons résultats, que les prix élevés des denrées alimentaires sont principalement le fait de spéculateurs qui profitent de craintes infondées de pénuries futures, et que les lobbies agricoles bien établis instrumentalisent la guerre pour contrecarrer les objectifs écologiques de l'agriculture, dont le besoin est urgent.
"Aujourd'hui, c'est la guerre en Ukraine qui sert d'alibi, demain ce sera les sécheresses, puis les inondations. La vérité, c'est que nous devons agir rapidement, sinon nous allons assister à des événements climatiques encore plus violents qui menaceront réellement la souveraineté alimentaire", a-t-il déclaré.
M. Biteau concilie ses responsabilités de législateur européen avec le travail sur sa grande ferme biologique de Nouvelle Aquitaine, dans le sud-ouest de la France, où il cultive des céréales et des légumineuses, pratique l'agroforesterie et élève des races domestiques locales menacées.
Entre deux murmures à ses ânes poitevins dans le dialecte local saintongeais, il explique la manière dont il suit les principes de l'agroécologie en faisant tourner ses animaux dans les champs pour fertiliser naturellement le sol et ainsi faire pousser quelques 17 espèces cultivées destinées à la consommation humaine (lentilles, blé, soja, millet, sarrasin etc...). Il nourrit ses animaux avec de l'herbe, du trèfle et de la luzerne provenant de ses propres prairies, plutôt qu'avec du maïs ou du soja importés d'Amérique du Sud et gourmands en eau.
Sa ferme a échappé aux pires ravages de la sécheresse et de la vague de chaleur record de cet été, dit-il, ce qu'il attribue au fait d'avoir planté une gamme de cultures aussi diversifiée. "Si tous les agriculteurs travaillaient comme moi, nous n'aurions plus besoin de Bayer, Monsanto, BASF ou des semenciers, car les agriculteurs retrouvent leur autonomie", déclare-t-il.
Alors qu'il se sert un thé dans sa permanence parlementaire avec les cloches de l'église du village carillonnant en arrière-plan, M. Biteau dit se mérfier de la "mission divine" revendiquée par les grandes entreprises agrochimiques voulant nourrir le monde, affirmant qu'au lieu de se concentrer sur le maintien d'exportations lucratives, l'UE devrait aider les pays du Sud à renforcer leur propre autonomie alimentaire.
L'UE est une puissance exportatrice de denrées alimentaires, mais les récentes vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement mondiales ont mis en évidence sa dépendance à l'égard de l'importation de matière premières essentielles telles que le blé, le soja et les engrais afin de maintenir ce système en état de marche. M. Biteau estime que le modèle européen axé sur les exportations a un coût trop élevé pour l'environnement et le climat en Europe et au-delà.
"C'est ce que je réalisé sur ma ferme qui me donne la crédibilité et la légitimité de tenir ces propos", déclare-t-il, ajoutant qu'il voulait ramener son exploitation familiale au "bon sens paysan" de son grand-père, après avoir repris les terres de son père à l'âge de 40 ans.
Les compétences de M. Biteau en matière d'agriculture sont bien reconnus en France, où il a été le responsable agriculture lors de la campagne présidentielle 2022 pour le leader des Verts, Yannick Jadot, un proche allié. Le ministre de l'agriculture de l'époque, Michel Barnier (plus tard célèbre pour le Brexit), lui a aussi décerné le prix du meilleur agriculteur durable du pays en 2009.
Après avoir passé près de deux décennies à prêcher pour une agriculture plus verte dans son pays et avoir été reconnu pour cela, le profil de M. Biteau grandit à présent à Bruxelles, où, en janvier, le groupe des Verts l'a choisi comme l'une de ses principales voix au sein de la commission de l'agriculture du Parlement, largement considérée comme un bastion des intérêts agricoles conservateurs.
"C'est un poids lourd [et] un opérateur avisé", a déclaré un fonctionnaire du Parlement au sein de la commission. "Il est cohérent et s'inscrit dans le cadre de la transition vers la durabilité et les questions écologiques.
M. Biteau a utilisé le poste, en grande partie honorifique, de premier vice-président de la commission pour faire campagne contre les cultures génétiquement modifiées et le glyphosate, et en faveur d'une politique de l'eau plus durable (il est récemment à l'origine d'une résolution appelant l'UE à agir davantage contre la sécheresse).
M. Biteau s'est battu en vain contre la dernière itération de la politique agricole commune, l'énorme système de subventions agricoles de l'UE, qui distribuera encore quelque 270 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années et a été critiqué comme une pseudo-réforme non verte. Au lieu de verser des subventions en fonction de la taille des exploitations, les agriculteurs devraient recevoir des fonds européens en fonction du nombre de travailleurs qu'ils emploient, ce qui encouragerait des types de production alimentaire plus écologiques et moins intensifs, mentionne-t-il.
Il envisage déjà de se présenter pour un second mandat en 2024. "Je veux apporter une façon différente de voir les choses", déclare-t-il.
Les opinions de M. Biteau lui ont fait peu d'amis dans l'establishment agricole. Elles ont surtout mis sa vie en danger.
Un homme a tiré sur lui et sa famille dans sa ferme en mai de l'année dernière. Personne n'a été blessé et la gendarmerie poursuit son enquête. Lors d'un autre incident, on a découvert que sa récolte de sarrasin était contaminée par du datura, une plante psychoactive également connue sous le nom d'herbe du diable, qui peut être mortelle si elle est consommée à fortes doses.
M. Biteau a déclaré qu'il recevait régulièrement des menaces de mort par courrier et en ligne. Se référant aux haters, il déclare : "Ils essaient systématiquement de déverser l'opprobre, le discrédit et la suspicion sur qui je suis, y compris sur ce que j'arrive à faire dans ma ferme, sauf que je n'entends plus parler de ceux qui ont visité ma ferme."
Il est farouchement opposé à la FNSEA, le principal lobby d'agriculteurs français, qui a des liens étroits avec le président Emmanuel Macron. L'actuelle cheffe de la FNSEA, Christiane Lambert, est également présidente du Copa, le puissant lobby agricole de l'UE, et elle rencontre régulièrement les ministres de l'agriculture de l'UE lors de leurs réunions mensuelles à Bruxelles, Luxembourg - ou plus récemment à Prague.
M. Biteau accuse les lobbies d'être de mèche avec les géants de l'agrochimie, qu'il décrit comme des "fossoyeurs", qui maintiennent les agriculteurs enchaînés dans un cycle perdant-perdant de dettes et de dépendance aux produits chimiques, dans un contexte de crise de l'énergie et des coûts de production.
Il décrit le commissaire européen à l'agriculture Janusz Wojciechowski comme une "marionnette" des intérêts agricoles particuliers, et a une querelle de longue date avec son collègue français Jérémy Decerle, un éleveur de bétail qui fait partie du groupe européen Renew de Macron (LREM).
"Je trouve que ce qu'il défend n'est pas cohérent avec ce dont l'agriculture et les agriculteurs ont besoin", a déclaré J.Decerle à propos de B.Biteau, l'accusant de faire tomber les agriculteurs français. "Ce type de message ou de position radicale est plutôt dangereux pour les citoyens et pour l'agriculture", a-t-il dit en ajoutant que les ONG environnementales exercent autant de pouvoir que les lobbies agricoles à Bruxelles, si ce n'est plus.
À la question de savoir si M. Biteau est un acteur majeur dans le monde de la politique agricole, M. Decerle a répondu : "Il fait partie du jeu, mais c'est normal". Les deux hommes ne sont plus en bons termes.
B.Biteau est implacable dans ses attaques contre l'establishment agricole et en particulier les principaux groupes de pression représentant les agriculteurs. "Ils appauvrissent les agriculteurs pour pouvoir s'enrichir, et ils prétendent être les défenseurs des agriculteurs", dit-il à propos des groupes de pression agricoles comme Copa & Cogeca et la FNSEA.
"Je ne conteste pas la légitimité politique de Monsieur Biteau en tant que député européen - je ne partage pas ses idées - [mais] Monsieur Biteau ne peut pas contester la légitimité professionnelle de la FNSEA", a déclaré Arnaud Rouseau, premier vice-président du groupe.
"Ce n'est pas la première fois que Monsieur Biteau nous attaque, et ce ne sera certainement pas la dernière".
Pour ceux et celles qui maîtrisent la langue de Shakespeare, la version originale est  ici

 

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20/10/2022
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