L'ensemble des requêtes présentées par le collectif "Bassines non merci" ont été approuvées par la commission des pétitions du Parlement Européen. Les opposants aux projets de réserves d'eau de substitution sont ravis. Et les porteurs de projets se déclarent sereins.
On est ravis, enchantés, heureux d'avoir été entendus
Auditionnés ce mardi 23 mars par les députés européens de la Commission PETI, la commission parlementaire des pétitions, les opposants aux projets de réserves d'eau de substitution en Poitou-Charentes, qu'ils appellent "bassines", sont pleinement satisfaits des résultats de cette première étape de leurs démarches en direction des instances européennes.
Présent à l'audience, soutien des opposants, le député écologiste au Parlement Européen Benoit Biteau a même été surpris de l'absence de prise de parole de parlementaires en soutien aux porteurs des projets : "Je m'attendais à ce qu'il y ait des tirs de barrage. Toutes les formations politiques étaient représentées, et même le député allemand Peter Jahr (PPE), ambassadeur de l'agriculture productiviste et principal rapporteur de la future PAC, n'a rien dit. Quatre pétitions étaient examinées hier, il a pris la parole sur les trois autres, mais pas sur la nôtre."
Une menace pour le Marais poitevin et une violation du droit européen
Déposée le 25 janvier dernier, la pétition du collectif "Bassines non merci" dénonce "Des projets de stockage privé d’eau pompée dans les nappes phréatiques à des fins d’irrigation agricole, dits « réserves de substitution », notamment dans le Marais poitevin et ses bassins affluents qui constituent une menace pour le Marais poitevin et une violation grave et récurrente du droit européen."
La pétition du collectif "Bassines non merci"
Selon les opposants, ces projets enfreignent neuf directives européennes, dont celle sur l'eau. Ces directives, dont l'objet a été jugé extrèmement prioritaire, ont été validées par les 27 états membres de l'Union européenne, dont la France.
La directive-cadre européenne sur l'eau
Une pétition examinée en urgence
Pour la séance d'examen de leur pétition, qui a bénéficié d'une procédure d'urgence ce 23 mars, les oppposants aux "bassines" avaient rédigé trois requêtes :
- que la pétition soit hébergée par le Parlement européen afin de pouvoir être signée par tous les citoyens qui le souhaitent ;
- qu'un courrier d'alerte soit adressé au ministère de la transition écologique (tutelle de l'agence de l'eau principal financeur des projets), et à la région Nouvelle-Aquitaine (gestionnaire des fonds européens)afin qu'ils fournissent les preuves que ces projets sont conformes aux directives européennes ;
- que la commission environnement et la commission de contrôle budgétaire soient saisies du sujet.
On a gagné sur toutes nos requêtes
A la grande satisfaction des pétitionnaires, leurs trois requêtes ont été acceptées. Les courriers d'alerte ont même été envoyés avant l'audition de ce 23 mars, sur la base des éléments produits pour l'instruction de la pertinence de la pétition. "Avec la commission, on a un allié inespéré" se réjouit Benoit Biteau.
Un combat emblématique
"On est plein d'espoir. Ca va être l'occasion d'une mobilisation très très large. C'est un combat emblématique, on ne se bat pas que pour notre rivère ou nos bassins" explique Julien Le Guet, porte-parole de "Bassines non merci".
"Le projet des Deux-Sèvres est présenté comme un projet exemplaire, extrèmement vertueux, à reproduire" explique Benoit Biteau. "Avec des projets comme ceux-là, quelques agriculteurs mobilisent plus de deux fois le volume d'eau consommé par l'ensemble de la population. C'est de la mainmise, de l'expropriation de bien commun. C'est insupportable"
Des porteurs de projet sereins et confiants
Je n'ai pas de doute que le projet qu'on mène respecte les directives
Thierry Boudaud, irrigant, président de la Coop de l'eau 79 qui porte le projet de création de 16 retenues d'eau dans le sud du département des Deux-Sèvres, a suivi l' audition des pétitionnaires en direct sur son ordinateur. Au lendemain, il se déclare confiant : "Sur le principe, quand la démocratie fonctionne, c'est très bien. Sur le fond, je n'ai pas de doute que le projet qu'on mène respecte les directives ".
Selon lui les arguments des opposants sont caricaturaux. "Le projet concerne 30% des agriculteurs du territoire, et l'idée c'est de développer la productions de protéines végétales comme le soja de pays ou la luzerne, des céréales qu'on importe pour le moment, plutôt que de faire de l'exportation avec du maïs" précise-t-il.
Prochaine étape dans 90 jours
L'Etat français et la région Nouvelle-Aquitaine disposent de 90 jours pour fournir à la Comission européenne les documents demandés.
Lors du vote du dernier budget régional en décembre 2020, le président Alain Rousset avait dû renoncer au financement des projets de réserves de substitution afin de s'assurer le vote du groupe écologiste qui dispose d'une minorité de blocage.
L'Etat a alors choisi de se substituer aux fonds régionaux et européens et d'abonder au plan de financement des projets à hauteur de 70%.
"A ce stade, l'Etat peut encore continuer à avancer. S'il veut passer en force, il peut le faire, mais c'est potentiellement le risque d'un contentieux entre la France et l'Europe" explique le député vert Benoit Biteau.
De son côté, Thierry Boudaud affirme : "On a un principe dans ce projet, c'est de respecter le droit; Et j'espère qu'en tant que porteur de projet on sera sollicités pour défendre notre point de vue".
Pour l'heure, le début des travaux est retardé: "La décision de co-financement de l'Etat est tombée fin décembre. Les délais étaient trop courts." explique Thierry Boudaud. Annoncé pour le mois de mars, le démarrage a été reporté au mois de septembre.