Autoroute A69 : l’ONU met la France sous pression pour assurer la «protection immédiate» des opposants
Merci à Michel Forst que nous avons eu le plaisir et l'honneur d'accueillir à nos Festifermes l'été dernier pour des débats et projections de documentaires paysans.
Militants du climat
Autoroute A69 : l’ONU met la France sous pression pour assurer la «protection immédiate» des opposants
Le rapporteur spécial de l’ONU, Michel Forst, a demandé jeudi 29 février aux autorités françaises d’agir sur la répression policière visant les activistes du projet de l’autoroute A69 dans le Tarn et demande «une enquête et des sanctions».
Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU pour les défenseurs de l’environnement, à Saix (Tarn), le 22 février. (Ed Jones/AFP)
par Eléonore Disdero et Juliette Delage
publié le 29 février 2024 à 18h23
Depuis qu’il a rendu visite aux opposants de l’autoroute A69 dans le Tarn, les 22 et 23 février, le rapporteur spécial de l’ONU pour les défenseurs de l’environnement ne cesse de répéter à quel point il est «vivement préoccupé» par la situation. Dans une déclaration de fin de mission rendue publique ce jeudi 29 février, Michel Forst exhorte ainsi les autorités françaises à mettre en place «des mesures immédiates» pour protéger les activistes qui campent en haut des arbres pour empêcher la poursuite de ce chantier controversé.
Il demande notamment «une enquête et des sanctions pour les actes de privation de sommeil, de combustion de matériaux, d’allumage de feux et de déversement de produits a priori inflammables par les forces de l’ordre, qui ont pu mettre en danger la vie» de ces opposants au projet d’autoroute Toulouse-Castres, baptisés les «écureuils».
«Fort sentiment d’injustice»
Le «fort sentiment d’injustice et d’impuissance» des défenseurs de l’environnement présents sur place est «exacerbé par une présence massive de forces de l’ordre», ajoute-t-il. Michel Forst fait également état «d’autres informations très préoccupantes, relatives aux méthodes de maintien de l’ordre pendant les différents rassemblements à proximité du site» au cours du mois de février.
«Il est essentiel que nous écoutions tous ce que les défenseurs de l’environnement ont à dire», alertait déjà mercredi le rapporteur spécial de l’ONU, dans un rapport plus général consacré à la «répression par l’Etat des manifestations et de la désobéissance civile environnementales». Dans ce texte, il s’inquiétait d’une «nette augmentation de la répression et de la criminalisation» des actions pacifiques de désobéissance civile, partout en Europe.Face aux «progrès insuffisants des Etats» pour endiguer «la triple crise» du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la pollution qui menacent les conditions mêmes de la vie sur Terre, «un nombre croissant de personnes et d’organisations […] se mobilisent pour défendre leur droit humain, et celui des générations futures, à un environnement propre, sain et durable», pose d’emblée le dossier. Le texte souligne que ces activistes exercent ainsi «leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, garantis par le droit international».
Réponse «disproportionnée»
Que ce soit des manifestations, des plaidoyers, mais aussi des formes plus «créatives de mobilisation et d’action directe», comme les occupations ou les blocages, la contestation écologiste grandit à mesure que l’urgence se fait palpable. Et alors même que les «gouvernements continuent de prendre des décisions qui vont directement à l’encontre des recommandations claires et urgentes des scientifiques», la réponse des Etats au militantisme environnemental est «disproportionnée», affirme le texte onusien.Pire, transmettre l’idée que les activistes écologistes sont des criminels encourage les comportements violents à leur égard, comme en Allemagne où des usagers de la route ont traîné des manifestants par les cheveux, leur ont donné des coups de poing et des coups de pied, ou leur ont roulé dessus avec leurs véhicules. «Cette rhétorique permet également aux autorités publiques de justifier plus facilement l’utilisation de mesures répressives, notamment destinées à lutter contre le crime organisé et le terrorisme», pointe le document.
En effet, le rapport 2023 de l’Union européenne sur la situation et les tendances du terrorisme mentionne le militantisme environnemental dans leur section «extrémismes». «Fait inquiétant, [ce] rapport qualifie les blocages routiers et l’occupation de bâtiments bancaires ou d’aéroports d’extrémisme», tout comme il serait «extrémiste» de s’inquiéter du changement climatique selon ce document, s’alarme l’ONU.De fait, les «extrémistes climatiques» figurent sur la liste des «menaces terroristes pour le Danemark» depuis 2022. La même année, l’Espagne classait le mouvement Extinction Rebellion, qui se revendique non-violent, comme une organisation de «terrorisme international». En Allemagne, plusieurs villes ont interdit l’organisation de manifestations de Letzte Generation (Dernière génération, en allemand), un collectif de désobéissance civile, et de toute autre manifestation liée au climat qui n’a pas été notifiée aux autorités au préalable. Et en janvier, l’Italie a adopté une loi sur «l’éco-vandalisme», qui introduit des sanctions allant d’un à cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à 10 000 euros d’amende pour des infractions mineures tels qu’un jet de peinture sur une statue. Indéniablement, les exemples de répression des militants écolo fleurissent partout en Europe.
«Ecoterroristes»
Pour documenter son rapport, Michel Forst s’est rendu dans de nombreux pays signataires de la convention d’Aarhus, ce texte de 1998 qui vise la «démocratie environnementale». Ces Etats ont une obligation contraignante de veiller à ce que les défenseurs de l’environnement ne soient pas «pénalisés, persécutés ou harcelés» pour avoir exercé les droits que leur confère cette même convention.Pourtant, selon le rapporteur spécial, les activistes «sont de plus en plus souvent présentés sous un jour négatif dans les médias et par des personnalités politiques». Un discours dénigrant et parfois diffamatoire qui contribue à mettre leur vie en danger et qui justifie leur répression. Le rapport cite même «des ministres» qui ont qualifié des organisations et militants environnementaux d’«écoterroristes» dans plusieurs pays européens, comme en France avec Gérald Darmanin, furieux après les affrontements autour des mégabassines à Sainte-Soline, fin 2022.
Décryptage
Plus largement, les mauvais traitements envers les activistes du climat constituent une «menace majeure pour la démocratie et les droits humains», martèle le texte onusien : «L’urgence environnementale à laquelle nous sommes collectivement confrontés, et que les scientifiques documentent depuis des décennies, ne peut être traitée si ceux qui tirent la sonnette d’alarme et exigent des mesures sont criminalisés pour cette raison.»Alors que «les Etats créent un climat de peur et d’intimidation» qui a un «effet concret et dissuasif […] sur la capacité de la société à faire face à la crise environnementale avec l’urgence requise», Michel Forst exhorte les gouvernements à «s’attaquer aux causes profondes» de cette mobilisation grandissante. C’est-à-dire de mettre pleinement leurs promesses à exécution pour limiter le changement climatique et respecter l’accord de Paris visant à maintenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
source : https://www.liberation.fr/environnement/autoroute-a69-lonu-met-la-france-sous-pression-pour-assurer-la-protection-immediate-des-opposants-20240229_L7NG37W3XJBHTLMLGGVWHSK67A/?fbclid=IwAR1qyg3WmSVySSg5ae_Am89HXvj1DnKqgHVKdDjBPKkIFKFgL_6KyM4wN_U
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